Nitrates, toxiques ou pas ?
Pour diverses raisons, les sols et la nappe phréatique contiennent une certaine quantité de nitrates1. Ce sont des composés chimiques naturels. Alors pourquoi en faire toute une histoire quand on les retrouve dans notre assiette ? Où est la limite entre inoffensif et toxique ?
Des végétaux naturellement riches en nitrates
Parmi la liste de végétaux naturellement riches en nitrates on retrouve la betterave, le céleri et les épinards. Mais la liste est bien plus longue. Sachant cela, on nous dit jamais de ne pas en manger ou de réserver ces légumes pour les occasions spéciales. Pourquoi ?
Des aliments transformés additionnés de nitrites
Sur les tablettes de votre épicerie, bon nombre de produits alimentaires ont été additionnés de sels nitrés, un additif alimentaire fait à partir de nitrite de sodium. On l’ajoute pour conserver la fraîcheur et la couleur et pour éviter la prolifération bactérienne pathogène. Les charcuteries et autres viandes transformées sont possiblement les plus pointées du doigts. Pourquoi ?
Paniquer avec les charcuteries, mais pas avec la betterave
En 2015, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé les charcuteries dans le même groupe que la cigarette. Ils sont étiquetés ‘’cancérogènes certain pour l’homme’’. Si une des raisons principales de cette décision est la présence de nitrites, pourquoi ne pas avoir aussi incriminé les végétaux ?
1- Les charcuteries stimulent la toxicité des nitrites.
Les charcuteries sont des viandes transformées. Je ne vous apprends rien ! La viande est une source incontestée et incontestable de protéines. Encore une fois, je ne vous apprends rien ! L’action des acides aminés (les petits blocs qui forment les protéines) sur le sel nitré cause sa toxicité. En effet, à la base les nitrites sont sans danger pour le corps. Mais lorsqu’ils sont en contact avec un acide aminé, ils deviennent composés N-nitrosés. Ça se passe à l’intérieur de votre tranche de jambon ou de votre saucisson avant même qu’ils ne se retrouvent dans votre assiette.
2- Les végétaux naturellement riches en nitrates contiennent de bonnes quantités de vitamines et d’antioxydants qui permettent d’équilibrer le tout.
En plus de ne contenir qu’une faible part d’acides aminés, ces végétaux sont dotés de nutriments qui inhibent la formation de composés N-nitrosés et qui supportent la digestion.
3- La cuisson accentue la formation de composés N-nitrosés
Avant de manger du bacon, qu’est-ce qu’on fait ? On le fait cuire, bien sûr ! En plus de la combinaison nocive de nitrites et de protéines, voilà que la cuisson augmente la toxicité. Plus la température est élevée, pire c’est. La friture serait le summum. Sachez que je ne crois pas qu’éviter l’étape de la cuisson des viandes additionnées de nitrites soit une solution pour limiter les dégâts.
4- Le profil nutritionnel global
Finalement, si vous n’êtes toujours pas convaincu de la différence entre les végétaux et les charcuteries, sachez que le profil nutritionnel global des légumes, même ceux riches en nitrates, est nettement plus intéressant que celui des charcuteries.
Qu’en est-il des combinaisons alimentaires ?
Si vous avez fait le choix d’éliminer les charcuteries de votre alimentation, une interrogation vous chicote peut-être. Que se passe-t-il si vous consommez dans un même repas une pièce de viande (non traitée aux nitrites) accompagnée d’une purée de betteraves ? Techniquement, les nitrates de la betterave devraient interagir avec les acides aminés de la viande pour former des composés N-nitrosés. Mais il n’en est pas ainsi !
Une fois ingérés, une part des nitrates est transformée en nitrites et une autre part est rapidement absorbée par l’intestin. Cette seconde portion de nitrates, inoffensive, se baladera dans le corps et terminera son voyage dans la toilette.
Quant à la part de nitrites, c’est elle que l’on doit surveiller. À la base totalement anodine, elle a le potentiel de se transformer en composés N-nitrosés à la rencontre d’un acide aminé. Toutefois, bien des experts2 comptent sur l’acidité gastrique pour neutraliser la rencontre délétère. Pour la prévention définitive de cette alliance, la vitamine C, l’acide ascorbique pour être plus précise, s’est montrée plus qu’efficace.
Des alternatives aux sels nitrés
Les alternatives réellement saines pour la conservation des charcuteries sont possibles, mais difficiles à exploitées. En ce moment, plusieurs charcutiers ‘’naturels’’ se tournent vers la poudre de céleri. L’avantage c’est qu’ils peuvent apposer la mention sans nitrite sur l’emballage. L’inconvénient c’est qu’il n’en est pas tant.
Plutôt qu’utiliser un sel nitré prouvé cancérogène, on ajoute plutôt de la poudre/sel de céleri. Encore plus que la betterave, le céleri contient naturellement un grand taux de nitrates. En utilisant sa poudre, le fabricant a toutes les qualités conservatrices du sel nitré, sans avoir à l’annoncer dans la liste d’ingrédients.
Pour le consommateur, est-ce que ça fait une réelle différence ? Difficile à dire. Là où vous pouvez trouver un répit, c’est dans le choix de la compagnie. En optant pour un charcutier biologique3 soucieux vous aurez droit à un produit contenant de la poudre de céleri, certes, mais possiblement en quantité bien plus faible que la norme fixée par Santé Canada. Et auront-ils peut-être eu l’audace d’ajouter de l’acide ascorbique ?
Une lueur d’espoir…
Des chercheurs québécois travaillent sur le développement d’un additif alimentaire totalement naturel et inoffensif. Inspirés par des cultures étrangères, ces scientifiques mettent à bon usage les propriétés antimicrobiennes et antioxydantes de certaines épices. Aussi, ces épices ne devaient pas contenir de nitrates. 6 se sont avérées efficaces, soit le clou de girofle, le cumin, la cannelle, le curcuma, le gingembre et le romarin. Leur projet n’est toujours pas commercialisé, mais qui sait, c’est peut-être pour bientôt !
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1- Nitrite et nitrate sont deux composés chimiques faits d’oxygène et d’azote. La différence entre les deux est le nombre d’atomes d’oxygène qui les composent. Le nitrate possède 3 atomes d’oxygène, alors que le nitrite n’en contient que 2. Dans le corps, les nitrates peuvent très facilement se transformer en nitrites et vice versa.
2- Bien que nombreuses études aient été et sont conduites au sujet de l’absence de cancérogénicité des nitrates de provenance naturelle, il n’y a toujours pas de consensus.
3- Les Viandes biologiques de Charlevoix a fait l’objet d’une analyse de Protégez-vous indiquant l’utilisation plus que modeste de la poudre de céleri dans ses charcuteries.